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Plein d'esprit !

Initialement publié dans Quasar CPC numéro 10, Histoires Perpendiculaires, par Willy et OffseT.

Esprit, es-tu là ? Il est bien connu que les esprits et les fantômes ne sont pas des interventions de l'au-delà mais des restes de vie, comme des empreintes sur le sable, laissées par certains défunts ; et que peu à peu le temps les efface. Mais il n'y a pas que les années pour user de ces traces. La frénésie des grandes villes est encore plus destructrice : le mouvement, les bruits, la télévision, le chaos.

Un de mes vieux oncles, un réactionnaire, avait été obligé, à la suite d'ennuis d'argent, de vendre la vieille maison de famille en Valtenille dont il avait toujours été fier à cause de l'intense activité nocturne de quelques esprits ancestraux, surtout dans la bibliothèque. Il avait dû se replier en ville, dans un appartement de location tout à fait insipide et inerte. Sinon qu'un jour, l'année dernière, son domestique se tua d'un coup de revolver à la suite d'un chagrin d'amour. Et depuis lors, dans la chambrette précédemment occupée par le malheureux, on commença à entendre, la nuit, d'étranges bruits de pas et de meubles déplacés ; et mon oncle en éprouva une consolation indicible. Mais une telle cocagne fût de brève durée. Très vite les vacarmes romantiques s'affaiblirent, et dans l'espace de dix mois ils disparurent complètement. J'ai beau expliquer à mon oncle qu'au cœur de la ville, il n'y a pas d'esprits, si robustes et si pétulants soit-il, qui puisse résister longtemps ; il ne parvient à se résigner.

Esprits “Le rêve de l'escalier”, Buzzati.


Je vous laisse méditer quelques instants avant de reprendre la parole…

Méditation intense1)


De quoi vais-je viens pouvoir vous causer à présent ? Mine de rien c'est pas évident de trouver quelque chose à dire… Allez, pour changer, on va se refaire un petit casse-tête comme dans le premier numéro de Quasar.

Oh, et puis non, je vais vous donner quelques contes d'Emile Ehunnennuy…

Trois fourmis sont dans le désert. Elles marchent en file indienne. Au bout d'un moment, elles s'arrêtent et la première s'exclame : “Devant moi, il y a le désert, derrière moi il y a une fourmi.” La deuxième : “Devant moi il y a un fourmi, derrière moi il y a une fourmi.” La troisième : “Devant moi il y a une fourmi, derrière moi il y a le desert.” Puis elles poursuivent leur chemin et s'arrêtent face à l'océan. La première dit : “Devant moi il y a l'océan, derrière moi il y a une fourmi.” La deuxième : “Devant moi il y a une fourmi, derrière moi il y a une fourmi.” La troisième : “Devant moi il y a une fourmi, derrière moi il y a une fourmi.”

Pourquoi ?

Dans un tout autre registre à présent. En hiver, par un jour de grand froid, un oiseau blessé est à terre, grelotant et muet. Un gros et gentil toutou qui passait à proximité fut attendri et le pris délicatement dans sa gueule pour le déposer sur une bouse de vache toute neuve qui était encore chaude. Le petit oiseau se réchauffa, se remit à prendre goût à la vie et recommança à piailler gaiement. Un gros vilain matou qui passait dans les environs l'entendit, le saisit dans sa gueule et le dévora…

Moralité : quand on vous met dans la merde ce n'est pas toujours pour vous faire du mal. Quand on vous sort de la merde, ce n'est pas toujours pour vous faire du bien. Quand on est dans la merde, il vaut mieux la fermer.

Une petit dernière pour la route. Aux États-Unis, un chômeur de longue durée réussit à se faire embaucher comme chauffeur de poids lourd quoique n'étant pas possesseur du permis. Tout se passe bien jusqu'au jour où il est déclaré responsable d'un grave accident qui a fait plusieurs victimes. On découvre alors qu'il travaillait dans l'illégalité ; il passe en jugement et est condamné à mort. Au moment de l'exécution, le courant n'arrive pas à passer dans la chaise électrique et le condamné est gracié comme c'est de coutume dans ces circonstances. Pourquoi le courant n'est-il pas passé ?

Allez, je suis beau joueur, je vous donne la réponse : c'est parce que c'était un très mauvais conducteur…

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